Près d’une femme sur trois a déjà été confrontée à au moins une situation de harcèlement sexuel sur son travail, et 19% des femmes concernées en ont été victimes à plusieurs reprises. Selon l’étude Ifop/VieHealthy qui égrène ces tristes chiffres, 34% des actes de harcèlement étaient des “sifflements, gestes ou comportements grossiers ou de regards concupiscents”.
Et ce n’est “que” le volet harcèlement sexuel : une étude pilotée par le ministère du Travail a montré qu’entre 2013 et 2016, les violences morales au travail ont certes diminué (hormis pour les intérimaires ou salariés à temps partiel subi) mais qu’elles concernent toujours 30% des travailleurs·euses (contre 37% en 2013).
L’étude de l’Ifop relève par ailleurs que seules 7 à 16% des victimes tentent de résoudre le problème en interne, soit via leur hiérarchie, soit par un·e représentant·e syndicale. Il faut dire que parfois, c’est justement là où se trouvent les agresseurs·euses.
Une prise de conscience ces dernières années
En 2013, la Cour de cassation a validé le licenciement d’un cadre qui usait du management par le stress; plus récemment, plusieurs salariés, parfois occupant des positions hiérarchiques, ont été licenciés du Huff Post ou de Vice pour avoir insulté des femmes de leurs équipes, en conversation groupée sur leur lieu de travail. Le procès de trois anciens dirigeants de France Télécom en fin d’année 2019 a de plus permis de faire reconnaître la notion de “harcèlement institutionnalisé”.
Pourtant, l’employeur (privé comme public) a bel et bien l’obligation de mener des actions afin de prévenir le harcèlement moral. “Si vous êtes victime de harcèlement moral, vous pouvez bénéficier de la protection de la loi, que vous soyez salarié, stagiaire ou apprenti”, rappelle le gouvernement. La médecine du travail est aussi actrice dans cette prévention; pas de chance, la loi Travail de 2017 a allongé le délai entre deux visites de deux à cinq ans.
C’est dans cet angle mort de l’assistance aux victimes de harcèlement que vient s’inscrire l’interface StopMarcel. Elle permet à la fois de leur porter assistance, mais aussi d’aider l’entreprise à remplir son rôle de sensibilisation et de prévention en fournissant un outil d’aide au signalement.
“L’outil digital est souvent plus simple”
Lancé fin 2019 par un chef d’entreprise, Thierry Della Rovere, StopMarcel se pose comme un intermédiaire. "S’il existe pléthore cabinets d’avocats, plates-forme d’écoute, agences de médiation, aucune solution ne permet véritablement de recueillir de manière neutre et confidentielle les différents témoignages, en apportant une traçabilité écrite des actes. L’outil digital est souvent plus simple”, fait-il valoir.
L’outil n’est pas accessible à tout le monde : il faut que l’entreprise ou le CE ait souscrit un abonnement variant entre un et 15 euros par an et par salarié·e, en fonction des effectifs. Les collaborateurs·trices reçoivent un code d’accès à la plateforme sur laquelle ils peuvent enregistrer leur déclaration en ligne, éventuellement de manière anonyme. Dans ce cas, un·e médiateur·rice sera automatiquement sollicitée. Les témoins de situations de harcèlement peuvent également déposer une déclaration.
Un suivi précis des déclarations, avec une traçabilité
La procédure prévient ensuite le ou la responsable de l’entreprise, qui a le devoir d’agir en conséquence. “Le chef d’entreprise peut assurer un suivi précis des déclarations avec une traçabilité des évènements (date, horaire…) et des actions mises en place”, précise StopMarcel. La victime peut également décider si elle souhaite être accompagnée par une agence de médiation par la suite.
Ce type de plateforme peut aider les victimes à s’exprimer et les chef·fe·s d’entreprise à prendre conscience du harcèlement dans leur structure. Toutefois, des points noirs persistent dans la dénonciation du harcèlement : un anonymat mécaniquement réduit dans les très petites sociétés, une procédure toujours effrayante pour les contrats précaires, et un cas difficilement soluble lorsque l’agresseur·se est au sommet de la hiérarchie.